Qui ne s’est jamais délecté, des matins de belles journées, de rêver dans son lit, les fenêtres ouvertes sur la nature qui s’éveille ?
J’écoutais monter jusqu’à moi l’activité de la boulangerie, située deux étages sous notre balcon. Et j’imaginais les préparatifs d’un petit-déjeuner de roi. Un chausson aux pommes, une baguette tradition encore tiède, un œuf à la coque, du beurre salé, du jambon d’Espagne, quelques tranches de fromage, du miel, de la confiture d’orange, un peu de porcelaine. Le patron sifflotait, et jusque dans ses notes, j’entendais l’accent et le soleil du Midi. Le geste énergique et souple, il emplissait une thermos de thé, puis donnait le signal. Mon délicieux panier s’élevait dans les airs, et dansait au bout d’une corde.
En ce deuxième jour de déménagement, je profitais de notre balcon et savourais mon sandwich préféré. Les télécommandes étaient retrouvées et le monte-meuble venait d’être installé. Octobre bénissait notre départ et offrait un ciel bleu inespéré. Nous partions dans deux jours et j’y croyais à peine. Je m’emplissais avant longtemps de la vallée, des odeurs, des couleurs, de tous les verts. Dans ce pays de tours, ils allaient beaucoup me manquer. J’observais le quartier dans lequel nous avions habité pendant onze ans. Nos filles y avaient grandi et je faisais défiler ma vie.
Le boulanger sortit soudain dans la rue, attiré par les réglages du monte-meuble, dont la plate-forme à cet instant, se fracassait davantage sur le garde-corps de notre balcon qu’elle ne s’arrêtait. J’imagine que la descente au véhicule stationné devant la vitrine du commerce, connaissait le même sort.
La présence de notre commerçant et le ballet de cet ascenseur en plein air, monter, descendre, monter, descendre, me tirèrent de mon état contemplatif :
« Ohé ! Benoît ! » Une pause. « Benoît ! » Je crie plus fort. « Benoît ! » Je m’époumone.
– Ça va Marie ?
– Dis Benoît ! Ça fait sept ans qu’on en parle. C’est maintenant ou jamais. Tu me montes un truc ?
– Ah ouais ! Chiche ! Tu veux quoi ? Son visage s’éclaire.
– Euh… prise au dépourvu qu’il entre aussi vite dans le coup. Un coca zéro ?
– Attends ! J’arrive. » Et notre ami disparut aussitôt.
C’est ainsi qu’il fallut que je parte aussi loin et aussi longtemps pour voir ma canette s’élever dans les airs. Ceux qui m’ont connue accro à mes coca de huit heures à la machine à café, et étudiante, à ceux de sept, tièdes et cachés sous mon lit, ceux qui ont connu mes sevrages désolants à l’aide de tisanes insipides, voire soporifiques – « Le coca, ce n’est pas bon pour la santé. J’essaie d’arrêter. » – et mes lamentables rechutes dont j’avais les meilleures raisons, trop de boulot, trop de fatigue, comprendront à quel point un coca vaut bien un petit-déjeuner.
Mon histoire débute et n’est pas parfaite. Je l’illustre avec deux photos tirées d’une vidéo ratée de la mémoire saturée de mon téléphone. J’écris et je corrige. Je râle et suis déçue. Le métier rentre ainsi, sans doute. Fort heureusement, je m’amuse.
Roooo lala !! C’est définitivement TROP LA CLASSE !! 🙂
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Merci Nelly ! Je trouve aussi et je me suis beaucoup amusée. Une petite parenthèse rigolote au milieu des cartons !
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En effet, super classe !
Perso, ce sont des pains aux chocolats que j’aurai fait voler dans les airs 😜
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Y a que toi pour demander un Coca à son boulanger… N’importe qui aurait demandé des viennoiseries ou des chouquettes qui d’ailleurs étaient excellentes!
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Trop bien vu CathH ! Le coca, c’est vraiment signé !
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