Enfin je vous retrouve, après presque trois jours de silence ! « Mais qu’as-tu donc fait tout ce temps, chère apprentie blogueuse ? », me demanderez-vous. Et je vous répondrai : « Pas grand chose, en réalité, chers lecteurs ».
Une douce et longue ballade ensoleillée de « Minato Mirai » au parc « Yamashita » et quelques détours pour voir de plus près les bateaux de croisière qui débarquent à Yokohama (mes filles sont rentrées épuisées). J’en ai profité pour apprendre que ce parc a été construit sur un terrain réduit en débris par le tremblement de terre de 1923 : le rappel insidieux à une dure réalité au Japon.
Le « Nishi ward office » pour la deuxième fois, avec son ambiance surannée, efficace et pleine de sollicitude, un lieu où je me sens si étrangement bien que j’y installerais bien un petit bureau de temps en temps pour vous écrire. J’ai décidé de vous passer l’accueil, le formulaire à remplir, les problèmes de traduction, le timbre fiscal à 300 Yen (2,35 €), le distributeur automatique que nous connaissons maintenant par cœur, l’attente.
Et puis, la banque, pour la troisième fois. La deuxième fois, c’était samedi.
Je ne laisse pas traîner le suspens. Nous y avons été reçus, une fois n’est pas coutume, par un jeune homme tout à fait insupportable de condescendance. Alors que je déposais fièrement sur son bureau, mon passeport, ma carte de résident et mon numéro d’identification au Japon, (en quelque sorte, toutes mes heures d’angoisse et mes victoires de paperasse à l’ambassade, au « Nishi ward office » et autres administrations en tous genres), je l’entends me répondre avec hauteur et nonchalance que nous ouvrons un compte pour « Monsieur » et que par conséquent, il n’a pas besoin de mes papiers. Puis, logique comme un mathématicien, il m’a superbement ignorée en n’adressant plus la parole qu’à L. qui souffrait déjà le martyre de son côté sur la pile de formulaires à remplir – d’ailleurs, je n’ai trouvé que cela à vous envoyer comme photo. Acculée par tant de superbe indifférence, ignorance pour ignorance me suis-je dit, j’ai sorti mon arme fatale de mon sac : ma magnifique liseuse et son étui rose fuchsia (merci mes collègues, vous ne vous imaginiez pas qu’elle me servirait aussi à snober un gars de la banque !) Au milieu des tons uniformes de l’agence, on ne voyait plus qu’elle. Ça, c’était vraiment « kawaï » ! Et je me suis plongée dans un bouquin sur la créativité. Et oui, cher Monsieur, j’ai un blog à écrire, moi !
Après les contrôles minutieux de tous les papiers, les photocopies, la fameuse pile de formulaires remplie, signée et vérifiée par un « supervisor », les tarifs préférentiels auxquels nous n’avons pas droit car l’entreprise de L. n’a pas d’accords avec cette banque, mais si elle est affiliée, ah pardon, c’est une erreur de notre part, ce jeune goujat de banquier a remis à mon époux une (je dis bien « une ») carte de retrait de « cash » comme s’il lui apportait les clefs de la plus grosse Ferrari de la terre. Mon sang n’a fait qu’un tour, il n’était plus question que de survie. J’ai enfin daigné lever la tête de ma liseuse et sans même laisser le temps à L. de dire un mot, j’ai poliment demandé à ce banquier s’il était possible que je dispose de la même carte de retrait (en substance, si je pouvais moi aussi disposer d’une Ferrari). « Et aussi d’une carte de crédit, pour mon époux et moi-même » : ai-je ajouté naïvement (toujours en substance, si je pouvais disposer non seulement d’une Ferrari supplémentaire, mais aussi de deux Bentley) – moi qui suis capable de payer mes déjeuners de moins de cinq Euros par carte de crédit, comment allais-je subsister ici ?
A ma grande stupeur, j’ai vu ce jeune monsieur qui connaît déjà tout à la vie, se décomposer tout à fait, s’agiter et se mettre à transpirer, à la limite de tomber à la renverse, en train de m’imaginer en Julia Roberts sur « Rodeo Drive » – bien que pour ceux qui me connaissent, la longueur de mes jambes ne fait pas partie de mes attributs les plus remarquables – faisant étinceler sa carte de crédit (enfin, celle obtenue finalement grâce à son époux !) dans une frivolité, une inconscience et une inconsistance condamnable. Au bord de l’apoplexie, il a du déclarer forfait et confier notre requête à une de ses aimables collègues femme. L. a du :
– remplir de nouveaux formulaires,
– signer devant chaque case rayée pour toutes les erreurs corrigées – difficile de ne pas se tromper -,
– déclarer en cochant une case qu’il comprenait ce à quoi il s’engageait, alors que 90% du formulaire est écrit en Japonais,
– passer à nouveau les contrôles des « supervisors »,
– attendre la réponse positive,
– puis payer des « fees » pour ces autres cartes.
Et enfin « on » a daigné porter un peu d’intérêt à ma carte de résident que cette fois j’ai pu déposer dans un petit plateau : la cordialité était revenue !
C’est vous dire le stress et l’attention que peut engendrer la demande d’une carte de crédit – donc j’en déduis qu’elle a des pouvoir bien plus importants qu’en France. Et même si je sais que vous l’avez déjà remarquée, je ne peux m’empêcher de savourer ce moment de complicité avec vous, chers lecteurs : cette périlleuse tâche a été confiée à une femme !
Au final, je n’ai pas écrit un seul mot, ni apposé une seule signature, j’ai juste eu le droit de choisir le code de ma future carte de crédit – vous noterez quand même la petite différence avec la France pour cette attention.
Alors, dans le « pas grand chose, en réalité » de me débuts, il serait vain de vous cacher, chers lecteurs, que j’ai aussi essayé de mater quelques-uns de mes démons intérieurs qui sont venus me visiter : éloignement, coupure sociale, inexistence (la liseuse rose fuchsia n’est pas un antidote à tout !). Qu’est-ce qui m’a fait sortir de ma caverne ? Je ne puis vous le dire ne le sachant pas moi-même. Mais j’ai appris deux choses. La première, c’est qu’au Japon, il ne faut surtout pas confondre politesse et gentillesse. Et la deuxième, c’est qu’il allait me falloir une bonne dose d’assurance, et plus d’humour encore que je n’imaginais ! « Et ce cher banquier ? » me direz-vous. Et bien, avec les années, je lui souhaite de devenir un vénérable banquier et même si je l’ai un peu trop rebaptisé, je le remercie, car grâce à lui, j’ai une histoire à vous raconter.
Bonne lecture, chers lecteurs !
La photo du formulaire fait froid dans le dos.
Cela me rappelle le fameux formulaire (allitération involontaire) E111 au collège. L’important est que tu aies les clés de la Bentely 🙂
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Quelle fâcheuse expérience pretty WOMAN !
Bravo pour ta réussite !
L. a dû être content de signer tous ces papiers.
A bientôt
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« J’ai sorti mon arme fatale : ma liseuse… » !!! ah ah ah !!
A chacun ses armes !!!
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Ah génial ! Tu as le meilleur mari du monde qui autorise sa femme à avoir une carte de crédit ! En fait il était jaloux le jeune banquier 🙂
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Alors là un grand moment qu’effectivement on ne pourrait jamais vivre en tant que touriste. C’est excellent !!!!!
J’étais sûr qu’on pouvais faire signer à L. des documents où il ne comprend rien, je vais réfléchir et préparer 2, 3 formulaires à signer….
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