C’est le grand jour !

Qui ne se souvient pas d’au moins une rentrée scolaire plus marquante dans sa vie que les autres ? Et qui n’a jamais déposé son bambin avec émotion le premier jour de l’école : l’entrée à la maternelle et les pleurs inconsolables, l’entrée au CP, au collège et même au lycée, marquant du même coup combien nos enfants grandissent vite et par un jeu de miroir, combien le temps passe inexorablement pour nous (là, chers lecteurs, je sens que je vais vous faire sortir vos mouchoirs et qu’il me faut changer de rythme très vite !)

Voilà, lundi 29 octobre, fin de l’ « Autumn break », nous y étions. Après nos deux bonnes semaines d’acclimatation et de quelques aventures, le grand jour était enfin arrivé. Avec soulagement : fini l’ennui des vacances, sans jeux, sans amis, sans espace. Et avec beaucoup d’appréhension : nouveau pays, nouvelle école, nouvelle maîtresse, nouveaux amis, nouvelle langue. Grosse ambiance et nuit sans sommeil, Dr Bach* était impuissant !

Cette rentrée était devenue une affaire de famille. D’autant plus que, coupée de tout, la famille devient le seul microcosme de chacun de ses membres (le temps de l’intégration, heureusement !) et si l’un vacille, il emporte avec lui tous les autres (ça va très bien, chers lecteurs, non, non, je ne suis pas en train de vouloir me jeter depuis la plus haute tour de Yokohama). Ainsi, cette rentrée était sous haute surveillance et seuls quelques observateurs de l’ONU n’avaient pas daigné faire le voyage.

Dans ce contexte sous haute tension, rien ne pouvait être laissé au hasard, ni aucune approximation tolérée. Nouveau système scolaire oblige, je ne pouvais plus me reposer sur mes vagues souvenirs de primaire des années quatre-vingt pour préparer cette rentrée. Notre sympathique école de quartier, c’était fini et j’avais tout à découvrir et à réapprendre. Et puis, nos filles ne parlant pas un mot d’anglais, il était vital qu’aucun grain de sable ne vienne contrarier ce premier jour et les mette dans une situation embarrassante au risque de ruiner leur avenir. Enfin, j’y voyais une occasion unique pour me refaire une image (il me faut bien quelques petits aveux de vanité) et me montrer sous le meilleur jour d’une maman structurée, méthodique, efficace, en un mot, hyper compétente. Et par dessus tout, j’y voyais une mission suprême, que vous ne soupçonnez même pas : j’allais représenter mon pays, ma patrie, la France ! Roulement de tambours. J’ai su dès le deuxième jour par notre aînée que c’était vraiment « cool » d’être Français au Japon, car nous avions gagné la coupe du monde de football et j’ai réalisé que j’aurais pu m’éviter cette petite pression supplémentaire car je ne faisais vraiment pas le poids face à de tels ambassadeurs.

Toujours est-il que dans ces conditions, et pour la première fois, j’ai préparé cette rentrée comme on potasse ses bouquins avant un examen. J’ai lu le site de l’école en long, en large et en travers, approfondi les questions les plus couramment posées par les parents, relu, vérifié que j’avais bien tout compris et appris par cœur toutes les informations contenues dans le mail d’accueil officiel. Je me sentais au top de la préparation !

Pour l’occasion, nous avions aussi réussi, je ne sais pas par quel miracle, à être assortis avec les sac-à-dos de nos filles, achetés l’avant-veille. Lors de notre première visite à l’école, je bûchais déjà ce grand jour, j’avais réussi à observer cet usage en faisant un tour discret parmi les casiers des élèves. D’ailleurs, les sac-à-dos, code de « grands » en France, c’est à dire de collégiens voire même de lycéens, c’est le seul truc qui m’a permis d’arracher un sourire à nos filles avant leur rentrée. Les sac-à-dos pour le sourire, et encore, détail non négligeable, l’absence de devoirs, ce qui, en bonne maman Française, m’avait laissée perplexe. Et puis aussi, parce qu’elles restent des enfants, un poisson rouge idiot dans une des salles de classe de l’école.

Donc, j’en reviens à nos tenues, L était plutôt « kawaii » en chemise rose, assortie à la tenue de notre fille cadette. Notre fille aînée et moi-même étions en bleu marine. Même pour les mariages, nous n’avons jamais réussi ce tour de force. Nous nous étions transformés en famille modèle tout à fait agaçante mais néanmoins fort aimable, je vous rassure, chers lecteurs ! Heureusement que nos filles n’avaient pas choisi un sac violet et un sac jaune ou vert pomme ou orange car je me demande en quoi nous nous serions déguisés pour l’occasion ! Au lendemain d’Halloween à Yamate**, peut-être en personnages Pokemon.

Alors que nous attendions avec nos filles à l’accueil, le moment qui allait les faire rejoindre leur classe, L. demande à notre fille cadette (vous savez, celle qui n’a pas la langue dans sa poche***), l’air fermé, le visage tendu, le front bas, comment elle se sent. « Quelle question ! », me direz-vous. Mais histoire de détendre l’atmosphère !
« Ça va ma chérie ? Et notre fille de lui répondre :
– Oui… J’essaie d’encaisser toute cette joie qui m’envahit.
Nous restons deux secondes yeux ronds et bouche bée par cette réplique peu digne d’une petite fille de bientôt huit ans et puis, nous ne pouvons pas nous empêcher d’éclater de rire.
– Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ?
– C’est dans Adèle. »
Et nous pouffons à nouveau de rire à la pensée de mortelle Adèle, personnage haut en couleur de la BD éponyme – dont sont issues les illustrations de cet article -, héroïne peste par dessus-tout et au mauvais caractère bien évidemment ! En cas de coups durs avec vos enfants, je vous la recommande. Vous verrez qu’il y a bien pire.

Plutôt rassurés, nous laissons notre fille cadette avec son humour pince-sans-rire, ses références à Adèle et sa maîtresse pour rencontrer celle de notre aînée. S’enchaînent les habituelles présentations « nice to meet you », les « really? », « great » et « fine » enthousiastes de la part de cette charmante dame, l’organisation de la journée, du déjeuner et des pauses, du « snack » (le goûter) pour la pause du matin. Je sens que c’est mon heure, je m’élance et je réponds d’un air entendu (entre femmes dynamiques et organisées, nous nous reconnaissons d’un simple regard) : « Don’t worry ! My daughter have a snake in her bag for the morning break. »
Pour une raison inexpliquée, je ne contrôle plus ma bouche, je me prends les pieds dans le tapis, et je prononce le « a » de snack comme le « è » de « bière » me vautrant lamentablement de tout mon long. Maintenant que je suis tombée, je peux vous traduire ma réplique. Cela donne :
« Ne vous inquiétez pas, ma fille a un serpent dans son sac pour la pause du matin. Et la maîtresse de me répondre sans broncher et avec un flegme tout britannique et à toute épreuve (les Français mangent bien des grenouilles et des escargots, pourquoi pas des serpents au goûter de leur cher bambin) :
– Ok. Ok. That’s nice. »
Néanmoins, est-il besoin de vous expliquer que je venais peut-être de ruiner tous mes efforts de semaines de préparation et de nuits sans sommeil ?

J’ai essayé de trouver une morale à cette première journée ou au moins une conclusion intelligente. Je n’en ai pas trouvée. Je peux juste vous dire que ma bourde, somme toute charmante, m’a totalement libérée et que nos filles semblent très bien s’adapter au calme imperturbable de nos voisins English. J’ai juste revu mes priorités, je me suis mise à réviser compulsivement mon anglais avant de me mettre sérieusement au japonais.
Et j’ai une faveur à vous demander, chers lecteurs. Pour ceux qui me connaissent, s’il-vous-plaît, ne racontez pas cette histoire à mes filles. Il me reste peu de temps avant que notre fille aînée ne me descende de mon piédestal, quant à la seconde, je sais qu’elle ne se fait plus beaucoup d’illusions mais inutile d’en rajouter !

See you soon !

 

 

* Voir l’article Jet lag : comment je suis devenue une anti-héroïne

** Voir l’article Happy eve of All Hallows’ Day !
*** Voir l’article Sankei-en

19 commentaires sur “C’est le grand jour !

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  1. Ah Ah trop drôle le « snake » dans le cartable!!!
    Merci MP pour tous ces longs articles que tu nous envoies. Nous partageons tous un peu de ton quotidien dans ces lectures, et c’est un plaisir de vous suivre et de te lire!
    Bises, Fréd

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  2. Que dire Marie-Pierre, à part un grand merci de partager avec nous tes aventures à l’autre bout du monde, et non pas sans humour !
    J’espère que vous allez vite vous acclimater.
    Hâte de lire la suite de tes articles 🙂
    Bisous

    Aimé par 1 personne

  3. Hello, je profite de ma pause déjeuner pour rattraper mon retard de lecture. Et quelle joie… Marie-Pierre ! le coup du serpent ! phénoménal. J’ai bien ri. Merci à toi de nous partager tous ces émois nippons. Bises

    Aimé par 1 personne

    1. Te revoilà Delphine ! Heureuse de voir que j’agrémente tes pauses déjeuner ! A défaut de Badminton et de Josué 😉
      Le coup du serpent, il fallait le faire ! Ce qui est étrange, c’est que autant je croise souvent la maîtresse de notre cadette, autant la maîtresse de notre aînée, semble se cacher… M’éviterait-elle ? 😉
      Bonne continuation à toi !

      J’aime

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