Un nouveau départ

Si je passais l’événement sous silence, il deviendrait une inculte lacune à Kawaii. En lui consacrant quelques mots, je ne ferais que répéter les protocoles, les informations et les bilans que toute la presse française relaie depuis quelques jours, voire quelques semaines.

Demain, l’empereur Akihito abdiquera officiellement et après-demain, le 1er mai, le prince héritier Naruhito deviendra le 126ème empereur du Japon.

Au revoir « Heisei » (1) et bienvenue « Reiwa » (2) !

Je risque de vous décevoir. Il est difficile de mesurer l’événement depuis notre falaise « bourrée » d’étrangers et notre quotidien n’a pas changé pour l’occasion. Nous restons sans doute aussi éloignés de l’événement que si nous habitions encore la France. Si ce n’est que la « golden week » s’allonge du 27 avril au 06 mai inclus. L. est en congé et nos filles continuent à se rendre à l’école. Les prix ont flambé et beaucoup de Japonais qui partaient pour un week-end prolongé à la même période, restent chez eux cette année. Les magasins restent ouverts et se trouvent parfois dévalisés comme la boulangerie du coin. Et pour ma part, j’apprécie ce temps inédit, libre, étrange, à partager avec L. quelques pans de mes habitudes domestiques (départ et retour de l’école, goûter, bain et préparation des repas, etc.) entrecoupé de quelques douceurs et insouciances de vivre.

Pour les Japonais, cette nouvelle ère représente un nouveau et joyeux départ comme « Le printemps vient après l’hiver sévère » (3). Nous ne pouvons que le leur souhaiter. Peut-être qu’elle viendra consolider le nôtre, vieux de quelques mois et pourtant encore très frais. Qui sait ?

Pour conclure cet article, je désirais vous rassurer et vous dire que je ne vous oublie pas, qu’à vous aussi, chères lectrices et chers lecteurs, je vous souhaite l’heureux nouveau départ de votre cœur.

Et en même temps, au moment de me coucher, au moment de répéter tous les gestes du soir, j’ai pensé à Akihito, à sa dernière nuit éveillée d’empereur. Demain, il quittera cette identité qu’il a porté pendant 30 années et qui l’a tout autant façonné. Il renoncera au titre de son père pour celui de son fils. Oui, ce soir avant d’éteindre la lumière, je sonde la dernière nuit d’un empereur du Japon au crépuscule de sa vie, je cherche ses réflexions et ses souvenirs, les images qui vagabondent en même temps que les devoirs et les convictions, les lassitudes lucides, les soulagements légers, les espoirs, les combats discrets et volontaires, et le moment où la veille s’arrête. Oui, ce soir, je ne peux m’empêcher de me tenir auprès de lui.

(1) Hisei : « accomplissement de la paix » (8 Janvier 1989 – 30 avril 2019)
(2) Reiwa : « vénérable harmonie » (1 mai 2019)
(3) Déclaration du Premier Ministre, Shinzo Abe