Ai saisi mon Cartoville Tokyo, Gallimard. Ai ouvert à la page des “incontournables”. A peine pu cocher Shibuya, le plus grand carrefour du monde, dans Petits démons de nos intérieurs. N’ai pas déambulé dans le quartier à la recherche des candides affichant “les accessoires kawaii roses à paillettes des boutiques du quartier” (1). Cela vaut-il ?
Notre fille aînée se trouvant aux portes de la pré-adolescence, avant, avant, donc, exige, dans des poussées incompréhensibles, des airs sérieux de vacances. J’en profite pour tenter d’honorer la liste, guide aux visiteurs largués et pressés, cadre rassurant parfois, de la normalité. “Tu as fait ça ?” “Tu es allée là ?” “Tu ne connais pas !” avec force étonnement. “Quel animal es-tu ?”
- Maison de Fumiko Hayashi à Ochiai (2)
- Tokyo Metropolitan Teien Art Museum (3)
- Tokyo International Forum (4)
- Sanctuaire Yushima Tenjin et des pas frôlés au parc Ueno (5)
- Rivière Meguro (6)
Ainsi se tient ma liste. Allons, allons ! Un peu de sérieux !
- Palais impérial ou le peu des jardins ouvert à la visite. Numéro un dans mon livre. Deux fois : avachie sous une chaleur de feu ou dépêchée par un froid glacial. A son apogée, la plus grande forteresse du monde.
- Quartier Ginza, le plus chic de Tokyo, paraît-il. Mon repère à “Langues de chat”, de la pâtisserie Ishiya. Et le plus grand Uniqlo du monde. Douze étages. Ai acheté une paire de gants.
- Quartier Asakusa, le temple Senso-ji, le plus vieux de la capitale, trois fois. Repère à touristes. Je ne m’y fais pas. Des rues et des boutiques.
L’Asahi Super Dry Hall, un verre de mousseuse par Philippe Starck. Les nuages, c’est de moi. J’espère que le français ne m’en voudra pas.
La Tokyo Sky Tree, de nuit, en 2014, avec un collègue et son épouse. Ici, je suis tombée amoureuse de la ville. - Jardin Hama Rikyu, l’étang et les douves d’eau de mer – les seuls sans doute à Tokyo -, la chasse aux canards des Tokugawa, des vues huilées de promoteurs immobiliers.
Une croisière sur la rivière Sumida jusqu’à Asakusa. Ai admiré les ponts, plus d’un sur deux emballés. Christo ou de Coubertin ? Un vent à décorner les boeufs : rares les photos sans le bout d’un doigt ou le scalp d’un touriste. Pas de romantisme sur la Seine, mais quand même.
Je continue à égrener :
- Avenue Omote-Sando, les “Champs-Elysées de Tokyo”, quatre fois. A la deuxième, j’ai compris la définition de concept store. Pour le reste, des sauts de puce.
- Quartier Yanaka, au bord de Ueno. Un étrange camion. La première fois, c’était dans nos rues, la nuit, l’hiver. Seule la lanterne rouge brillait et un feu de bois. Japonais débité incompréhensible. Douce mélodie. Il devait offrir une dernière promenade à un mort avant de le mettre en terre : “x san est mort. x san est mort. Priez pour lui ! Priez pour lui ! Condoléances à la famille et aux proches.” À Naka Meguro, pendant les sakura, j’ai revu le même : un vendeur de patates douces.
- Rue Takashita, pour l’excentrique Harajuku. Qu’en dire ?
- Gare centrale de Tokyo, les conducteurs de train en gants blancs dans leur cabine. SNCF. Un ballet ininterrompu de la main et de la tête. Il vaut quelques explications et une note (7). Il suffit au voyageur de monter dans la voiture de tête.
- Iidabashi, institut franco-japonais, librairie d’expression française. Deux “i”. Il faut s’obliger. Un certain QG.
- Hôtel musée Gajoen. Sino-toilettes éclairées époustouflantes. Au cours de mes pérégrinations pendant les sakura, j’y suis retournée.
Cinq croix de plus. Avec un effort et moins de perfection.
Je n’ai pas écrit ces lieux, n’avais pas vu assez et longtemps. Je perdais le cap, voulais me transformer en livres à itinéraires et incontournables.
Avec cet article sans intérêt sans doute, je construis un patchwork, mon Tokyo à moi. Au gré de mes rencontres, des visites et des saisons. J’ai choisi une photo, parfois deux, pour chacune des entrées de cet inventaire bancal, incomplet et erratique. Et peut-être trop subi.
Il est certain que j’ai perdu les traces de Fumiko. Je n’ai pas su marcher assez, au gré de mes envies. Les listes ordonnent, inspirent, interrogent. Elles invitent à la transgression. Sitôt écrites, elles se trouvent déjà obsolètes. C’est là leur poésie. En attendant, je fais des vœux pour la rentrée, au moins celui de solitude, en baskets.
J’aimerais travailler davantage cet article. Mais je sers de guide sérieux à nos filles. La grande roue de Yokohama, avec une copine, cet après-midi. Je l’envoie et je ne regarde plus derrière moi.
(1) Impossible de retrouver l’auteur.
(2) A Tokyo, sur les pas de Fumiko Hayashi
(3) Que me restera-t’il ?
(4) Quelques bribes dans Allô docteur !
(5) Ume Matsuri
(6) Sakura
(7) Pourquoi au Japon les conducteurs de train et les agents en gare pointent tout du doigt ?
Qu’il est beau ce patchwork ! Cousu, tricoté, brodé par tes soins au fil de tes longs mois loin de nous, loin de la France.
Et pourtant ! Je remarque qu’il y a souvent un peu de France dans tes visites, Langues de chat (les fameuses !) par-ci, librairie d’expression française par là, Mariage frères aussi et j’en oublie surement…. comme autant de petits points qui unissent, rassemblent et donnent toute la beauté de ce patchwork entre Japon et France.
A très bientôt
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Merveilleux commentaire, très poétique 🙂 et une lecture que je n’avais pas faite moi-même. Ce patchwork fait aussi ouvrir davantage les yeux et permet d’autres découvertes, grâce aux lecteurs. La magie « des petits points qui unissent, rassemblent ». Comme nos liens.
Grosses bises
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Parfait ce patchwork qui nous rapproche un peu !
J’adore ce partage.
Merci à toi et à TRES bientôt
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Merci Stéphanie pour ce petit message !!! Ta présence et ton enthousiasme.
A TRÈS TRÈS vite 🙂 🙂
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Si tu crée un guide Tokoybykawai, promis je l’achète 🙂
Tu sais qu’à Milan il y a aussi un Starbucks Reserve Roastery ? Mais pas de queue ni de tickets d’entrée pour admirer l’intérieur !
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Joli patchwork ! Avec une préférence pour.. la pâtisserie, évidemment !!
Tu en as vu et parcouru des quartiers, je suis certaine que tu es une super guide 🙂
A très vite.
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