Trois choses m’ont faite sourire cette semaine, dont une m’a désolée.
La première, ce sont les attentions de « mon » café Tully’s, lundi matin, jour de chauffe du cerveau dans le froid et la pluie. J’ai gardé le dessin et le
« Thank you ». Le serveur m’a reconnue, comme celle qui me demande en souriant :
« Chai milk tea ? aussitôt après les salutations.
– Hai. Onegaishimasu. »
La deuxième, ce sont les mots de l’artiste peintre Foujita, qu’il écrit dans une lettre à sa fiancée Tomi pour la convaincre de le rejoindre à Paris dans les années mille neuf cent dix (compter quarante-cinq jours de traversée et le reste) : « Viens vite à Paris ! Beaucoup de fleurs. Pas de tremblements de terre, pas de moustiques, peu d’insectes. C’est un beau pays, je t’assure. Si seulement tu étais auprès de moi, nous serions cent fois plus forts. » (1) C’est cela que le voyageur moderne découvre au Japon et qu’il ne savait pas, les moustiques et les insectes. J’en ai assez parlé.
Et puis hier, mercredi, la troisième, notre première journée de printemps : soleil, ciel bleu, mer bleue, vingt degrés ressentis, une association vite étouffée avec la côte méditerranéenne espagnole de nos vacances, l’hiver. De la neige était annoncée lundi et mardi. Allez comprendre ! et autres interjections. La découverte des premiers pruniers en fleur ont fait dévier mon chemin à Atami. Je suis allée au parc Baien aux sept cent trente pruniers. L’année dernière, je l’avais visité à la nuit tombante.
L’organisation du parc se trouvait à son apogée pour le moment phare de l’année et de ses recettes. J’ai observé à nouveau un « hanami » (2) : les visiteurs, surtout des retraités, certains venus en bus, peut-être en voyage organisé, quelques amoureux, quelques groupes de copines, assis sous les arbres, boire et manger, admirer, photographier, se divertir. Mais enfin, fallait-il inviter l’artiste de rue Yu-ki aux cheveux bleus beuglant dans son micro les prouesses de son diabolo ? Fallait-il inonder nos oreilles de biniou – du koto, certes vaporeux, si j’enlève l’humeur, au moins, je sais le reconnaître désormais (3) – diffusés par des haut-parleurs toujours au mauvais endroit sur les paysages ? Et surtout, fallait-il exposer ce singe habillé et en laisse ?
« Vas à droite ! », « A gauche ! », « Arrête-toi ! », « Fais une roulade ! » Le public riait et prenait des photos, portable dans les mains. Quelle misère humaine ! Elle nous colle à la peau et nous suit partout.
Il n’est pas étonnant que j’ai commandé un verre chaud de umeshu. Fermer les yeux, je n’ai rien vu et oublier. Je suis repartie sur des jambes molles et regrettais déjà de n’en avoir bu un deuxième. Je n’avais pas assez oublié encore. Une femme à une échoppe tentait en vain de vendre des sifflets à chants d’oiseaux. Yeux et oreilles farcis. Bonsoir !
L’arbre Ookusu se tenait toujours là, au bout de la descente, et ses touristes grotesques aussi (4). Une femme en manteau violet filmait son compagnon, un vieux beau la cinquantaine bien tassée, franchir l’allée centrale qui menait au temple. Et la main dans la chevelure, et les pas élastiques, et les genoux repliés plus que nécessaire et je me dandine les fesses. Nous attendions derrière elle avec patience. Faut-il rester poli pour des bêtises ? La liberté des uns, etc.
Ma visite à Ookusu n’a rien donné. Si ce n’est la fatigue du voyage qui me valut une sieste d’une heure au retour. Je me suis réveillée dix minutes avant la gare de Yokohama, reposée et étonnée, aussi détendue qu’une japonaise dans le train. Ça, c’est notable. Et quelques photos d’Atami, insolites à mes yeux. Et cette mauvaise humeur et ces jugements, que j’écris de surcroît. J’ai voulu tempérer : « jugements à l’emporte-pièce », mais j’écris confirmée par le manteau violet : « jugements assumés ». Il s’avère notable également, la découverte au cours de cet article, que le fameux autel érigé devant Ookusu « a une mission bien grande au pays du saké : répondre au désir de ses adeptes d’en finir avec l’alcool… » (5). A vérifier au vu du nombre des pèlerins.
Hier soir, une fois n’est pas coutume en pleine semaine, j’ai partagé avec L. une bière et quelques rondelles de saucisson espagnol acquis à prix d’or le soir même. J’avais omis les prières, j’étais déprimée : le singe, les divertissements, les amours de soi et plus rien à raconter. De toutes les façons, dans ces conditions, qui saurait m’écouter ?
- Les Années folles – La vie réinventée (5 / 8). La vie curieuse de Foujita, 13/01/2020, France Culture, La compagnie des oeuvres, par Matthieu Garrigou-Lagrange
- 花見, littéralement, « regarder les fleurs ». Voir l’article Ume matsuri.
- Voir l’article Les nuits à Sankei-en.
- Voir l’article Un camphrier nommé Ookusu
- Voir Atami Baien, Vivre le Japon
Une petite vidéo de signe dansant et une photo du vieux-beau-au-manteau-violet auraient été les bienvenues. Et la neige? Elle est tombée ?
L’hiver dure, je me demande si tu ne t’ennuies pas un peu ?
Bises d’Antony !
J’aimeAimé par 1 personne
Bonjour Delphine,
Et merci infiniment pour ta réponse 🙂
Je n’ai pas pensé à cette vidéo. Et je le regrette. Ni même à une photo. Il me faut acquérir ce réflexe 😉 Tu aurais ri et j’aurais ri avec toi.
Pas de neige chez nous. Quelques matins à 0, 1 et exceptionnellement -1 mais les journées restent bleues et les températures montent.
Je me suis demandée si je m’ennuyais, je me le suis peut-être même dit ce jour-là. Je crois plutôt que mes projets n’avancent pas comme je le souhaite, aussi vite, aussi fort. L’écriture est un long chemin… patient (voire désespérant) et rigoureux (voire austère).
Excellent week-end à toi et à bientôt,
Bises
J’aimeJ’aime
Quel plaisir de voir ces pruniers en fleurs ! cela nous manque ! Içi pas encore de trace d’annonce de printemps… temps gris et maussade.
Atami ! Je crois savoir ce qu’il manque à cette visite…de la compagnie ! Cette expérience sera probablement à revivre mais accompagnée.
Et pour les jambes molles, je crois que c’est plutôt ton verre chaud d’Umeshu qui te les a ramollies : ça doit être terrible 😉 l’alcool doit monter à la tête direct : pas étonnant que tu aies dormi dans le train du retour
Bises
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou Chris,
Bon, j’espère qu’un jour, nous allons aller le voir cet arbre. Et comme tu tomberas à la bonne saison, nous irons aussi nous boire un petit verre sous les pruniers. Nous finirons par cela… Ça vaut mieux. Et si nous nous endormons dans le train, c’est que la journée aura été bonne.
Le ciel bleu t’attend 😉 et beaucoup d’autres choses encore.
Courage à tous avant les vacances 🙂
Grosses bises
J’aimeJ’aime
Encore une jolie balade !
J’adore la photo avec le pont rouge.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Stéphanie 🙂 Cela ne manque pas les ballades !!!
Belle belle continuation et bon week-end 🙂
Grosses bises
J’aimeJ’aime
J’ai également cherché la photo du monsieur qui dandine des fesses avec la dame au manteau violet ! 😂
Et pour répondre à ta dernière question : Moi ! 😉
Umeshu… je me demande ce que c’est… je vais regarder ça de plus près ! 😊
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou,
Je sens qu’une période bien dense vient (à peu près) de prendre fin pour toi. C’est bon de te retrouver sur Kawaii. Je ne vais pas réussir à suivre le rythme (ici, smileys qui se marrent)…
Ah oui, j’ai vraiment raté un truc avec ce couple… mais le umeshu (alcool sucré de prune délicieux) m’a fait perdre quelques réflexes.
Et merci pour la réponse à la question. J’ai chaud au cœur.
A très vite et grosses bises
J’aimeAimé par 1 personne