Le Covid-19 a enfermé nos vies, il finit par grignoter Kawaii. Le précédent article (1) ouvrait le week-end prolongé de shubun (2). Celui-ci le clôt.
Hier lundi, temps gris et à la pluie, temps triste. Un vent froid balaie les pétales des cerisiers et vide les arbres. Nous avons rallumé le chauffage. Les Japonais sont retournés travailler après trois jours à trinquer et pique-niquer sous les cerisiers : trêve de précautions. Vendredi vingt mars, férié, premier jour du printemps, après une marche jusqu’à, et dans le parc Negishi que le lecteur connaît (3), nous nous sommes enfermés dans notre maison, pour ne ressortir que lundi. Puis nous avons à nouveau investi nos promenades. D’abord le harbor view park, puis le yamashita, puis un détour par China town, tous plus ou moins désertés à nouveau, exceptés des étudiants toujours en grandes vacances. Aucune vue dudit quartier n’était parvenue jusqu’au lecteur. Probable aussi que je filais le thème du dernier article.
Nous trouvons le temple Kantei-byo vide. La fête est finie. Personne n’a plus le cœur à prier, même le dieu du commerce et de la prospérité. Une employée aux abois réclame cent yens si je veux approcher la divinité. Nos filles me demandant si elles peuvent observer plusieurs religions. « Allez-y mes chéries ! Savourez plusieurs râteliers et composez votre popote ! Bouddha, Jésus, et tutti quanti, s’ils s’étaient rencontrés, seraient devenus potes. » L’aînée soulève une objection : pas question de se farcir la vie d’un deuxième dieu. Celle de Jésus s’est révélée suffisamment compliquée.
De retour à la maison, la nouvelle est tombée. Si Abe projette la réouverture des écoles le six avril (4), comme prévu officiellement pour la rentrée scolaire, l’école de nos filles diffère la date d’une semaine, au treize. Deux semaine de plus à la maison. Six semaines totalisée. Pourtant, je suis soulagée et j’espérais cette décision. Un journaliste vivant au Japon, et de retour après deux semaines à Genève, dit avoir « l’impression d’être sur une autre planète » (5). Un autre du Monde s’étonne de « l’étrange légèreté » de Tokyo (6). Nous partageons le même choc d’une vie normale à l’occasion de ce premier et chaud week-end de printemps. Pourtant, nous savons que le Japon ne se trouve pas à l’abris (7). Mais la floraison des cerisiers représente un renouveau si profondément ancré dans la culture du pays, qu’il semble impossible à beaucoup de japonais d’annuler un hanami, et au gouvernement de gâcher la fête. Nous le comprenons, chez nous les élections.
J’espère que le pays ne se réveillera pas avec la gueule de bois. Je croise les doigts. Le lecteur et moi-même savons que ce moyen compte peu s’agissant du Covid-19. Comme nous savons qu’il ne s’arrête pas aux frontières, même si nous fermons les yeux. Je compte sur les japonais, peu adeptes des accolades à effusions, des poignées de main massives et des embrassades. « C’est combien la bise chez vous : quatre ? Je demande ça parce que chez mon frère, c’est quatre, et chez ma sœur, deux. Ou l’inverse. Je ne sais plus.
– Ah non ! Chez nous, c’est trois. » Et que je t’embrasse à l’aller et que je t’embrasse au retour.
Je compte sur le port du masque anti-contamination l’hiver, anti-allergie le printemps. Je compte sur les solutions hydroalcooliques à l’entrée des magasins, des restaurants, des toilettes publiques, des administrations. Je compte sur une date. A deux cent soixante huit cas officiels – avec toute la précaution de ce chiffre -, le deux mars, les écoles étaient fermées, les musées, les expositions, les bibliothèques, les activités ou les événements annulés ou reportés, le télétravail effectif, les plus fragiles des maisons de retraite confinés, les anciens claquemurés volontaires. Je compte sur la discipline des japonais, retrouvée, je l’espère, après cette parenthèse. Mes comptes suffiront-ils ?
Je soupèse notre bas de laine et je réfléchis à d’autres évasions. Je peaufine quelques articles, restés en suspens à Kawaguchiko. Je saisis l’occasion de celui-ci en forme de respiration, pour remercier les lecteurs, auteurs de billets encourageants. D’abord un, puis deux, puis trois, puis six, puis. Je leur envoie la délicatesse d’une fleur dessinée dans un thé matcha. Nous pouvons nous avouer qu’en ces temps inconnus, nous parcourons nos émotions, redécouvrons parfois notre frère humain à la porte d’à côté, et nous nous surprenons davantage.
Bon courage à tous les lecteurs ! Mes pensées aux malades et à leurs proches. Mes pensées aux soignants.
« Mais toi tu voudrais bien danser encore » dans Le meilleur de la fête, Fishbach
- Voir l’article Yamashita, c’est fini ?
- Shubun : équinoxe de printemps
- Voir l’article Les ruines du Negishi park
- Education chief Koichi Hagiuda says school closures won’t be extended, The Japan Times, 20 mars 2020
- LinkedIn, Miguel Quintana
- A Tokyo, l’étrange légèreté à l’heure du coronavirus, Le Monde, 21 mars 2020
- Why is Japan still a coronavirus outlier?, The Japan Times, 21 mars 2020
Bonjour MP, je pense à toi depuis qq temps, je t’envoie un mail 🙂 bises
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Delphine pour tes pensées. A très vite ! Bises
J’aimeJ’aime
Coucou MPP, merci pour cette petite évasion, nous en avons grandement besoin ☺
Contente que vous ne soyez pas confinées, même si je comprends que cela puisse être un peu inquiétant par rapport aux mesures prises par d’autres pays. Mais niveau gestes barrières, tu as l’air bien rodée ! 👏
Ah, et les JO, ce sera pas pour cet été…
A très vite !
J’aimeAimé par 1 personne
Bon courage Nelly ! Bon courage ! Je vais continuer mes promenades pour vous, mes histoires, si je le peux, drôles, quand elles le pourront.
J’ai appris pour les JO. Une mesure inéluctable maintenant que l’Europe est si durement atteinte. Cette décision prise au Japon, je me demande ce que sera la prochaine étape… Je croise les doigts, comme tu le sais, geste barrière très efficace 😉
Je pense bien à toi et tes proches.
Grosses bises
J’aimeAimé par 1 personne
Hi hi !!!
J’ai reconnu des photo… surtout celle de la façade d’une boutique de china town.
Ça fait plaisir de la revoir ! C’était sympa cette petite escapade en solo.
Les photo des cerisiers font rêver.
En effet, nous sommes confinés, mais le temps, même si nous ne pouvons pas beaucoup en profiter, nous aide à supporter l’isolement.
Nous sommes en bonne santé , c’est le principal.
Nous pensons tous les jours aux malades et aux personnes obligées de travailler au contact des autres.
Nous sommes chanceux de pouvoir travailler de chez nous, d’être en forme , et… d’avoir une terrasse pour faire le plein de vitamine D.
Prenez soin de vous !
Bon courage aux lecteurs !
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou Stéphanie,
Merci pour ton message. J’ai inséré cette façade d’une boutique que tu connais en pensant à toi justement 🙂 Je n’ai pas pu y remettre les pieds depuis… Pourtant, tu imagines la tentation !!! Mais, prudence, prudence.
Merci pour tes nouvelles. Cela nous fait du bien de connaître ce que vous vivez et comment vous le supportez. Cela évite à l’imagination de galoper. Avec les images du 20 h, il y a de quoi se figurer le pire pour vous ! Comme toujours, tu relativises et tu restes positive. C’est très agréable et cela permet de retrouver l’essentiel 🙂
Et j’aime bien ce « Bon courage aux lecteurs ». Une communauté de bons mots afin de se soutenir les uns et les autres.
Alors, bon courage à toi pour cette 3ème semaine ;-), bon courage à vous trois et à vos proches, bon courage aux lecteurs !
Grosses bises et à bientôt !
J’aimeJ’aime
Nous t’embrassons de France où nous attendons une naissance à Annecy, chez Isabelle, espérons que tout se passe bien ! Même pas moyen d’aller l’aider…
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ton message et pour ta présence sur Kawaii 🙂 Quelle joie !
Oui la situation est triste et compliquée. Nous pensons fort à Isabelle et à vous. Espérons que vous pourrez vous réunir très prochainement et que tout se passera bien pour la naissance.
Je vous embrasse.
J’aimeJ’aime