Jeudi, quatrième jour de notre confinement, « intermittent » comme je l’appelle à présent, car nos compteurs se voient régulièrement remis à zéro.
L’état d’urgence déclaré par Abe à Tokyo et six autres préfectures est officiel depuis le mardi 7 avril. Bout du tunnel espéré à la fin de la Golden Week, le 6 mai. J’attendais les mesures. Avec stupéfaction, je découvris que sur la terre nippone, « état d’urgence » ne rimait pas avec « confinement ».
Héritière d’un sinistre passé militaire jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la constitution japonaise protège strictement les libertés de mouvement et de réunion de ses citoyens. Incitation à rester à la maison, exception faite de l’essentiel : se nourrir et se soigner. Sans contrôle ni sanction des rebels. Confiance imposée dans le civisme de la population. Et s’il s’avérait insuffisant, l’influence bénéfique des proches. Appel des restaurants à raccourcir leurs horaires ou organiser des ventes à emporter. Les clients se font somme toute rares. Invitation de la vie nocturne, bars, clubs de nuit, pachinko (1), karaoké, et autres hauts lieux de foyers infectieux, à fermer, eux. Idem pour le sport, la culture et les galeries commerciales. La menace de social bashing (2), seul moyen coercitif : publication par les préfectures des noms des récalcitrants. La honte ! Le groupe plus fort que l’individu sur une terre de catastrophes. Rappel des distances à ceux qui cherchent un peu d’air frais ou d’exercices. Les parcs demeurent ouverts. Certains expatriés se montrent choqués. Espace d’habitation moyen à Tokyo : quarante et un mètres carrés (3).
Alors jeudi, après six semaines d’entre-soi, conjoint, fille aînée, fille cadette, conjoint, fille aînée, fille cadette, jour après jour, n’y tenant plus, je sortis. Tant pis ! Que je l’attrape ce maudit !
Le Harbor view park avec notre cadette, déjà deux lâchés, à admirer les parterres de fleurs et faire la course dans les escaliers. Si je pouvais semer le troisième.
Une beauté chez le coiffeur à tatasser avec Chika. Discussions de salon : moins de cent mètres carrés, avec des dispositions, gel, masque, client unique, ouverture. Le Covid-19 et l’inquiétude dans l’air, Chika le sent. Une célèbre série tragi-comique des années soixante, Tora-san. Pourquoi me la faire découvrir ? Piquais-je déjà du nez au bac à shampoing ? Le nouveau Picard à Motomachi, les légumes congelés, bannis par les papilles d’ici, les cannelloni bons, mes recettes de gratins, crumbles, tartes et gâteaux au chocolat. Chika s’emballe, je l’inviterais presque dans ma cuisine. Comment suis-je arrivée à parler du Minton House (4) ?
« Vous connaissez le Minton ? Sugoi (5) ! J’avais l’habitude d’y aller dans les années quatre-vingt-dix quand je travaillais dans le gros salon de coiffure juste à côté. Si vous voulez faire plaisir au patron, vous pouvez l’appeler Oidon. C’est son surnom.
– J’y vais surtout le midi, une fois par semaine, voire deux. Certains clients apportent leur déjeuner et commande juste un café.
– Il est ouvert le midi ? Ah bon ! Il ouvrait uniquement le soir avant. Il doit avoir moins de clients. Dans le quartier, les bars sont devenus beaucoup moins fréquentés.
– Tiens ! Pourquoi ?
– Il existe une frontière : les plus de quarante ans et les moins de quarante. Ceux-là sortent moins. Et de l’autre côté, les habitués ont vieilli. Chika rit et annonce son âge, cinquante ans pile. Elle sait.
– Vous pensez que le Minton est fermé maintenant ?
– Oui, c’est sûr. »
- Pachinko : machine issue d’un croisement entre un flipper et une machine à sous. Très populaire au Japon.
- Social bashing : dénigrement social
- Staying at home in Tokyo’s small apartments isn’t easy, Japan Today, 11 avril
- Voir l’article In other words, I love you
- Sugoi : génial
Sympa de pouvoir aller chez le coiffeur !!!
J’aimeAimé par 1 personne
Oui. Dans certains pays, c’est devenu un luxe 😉
Bises
J’aimeJ’aime
Coucou !!
Je rattrape mon retard… que c’est bon de te lire à nouveau !
OOooh… le coiffeur…. 💇♀️ Quelle chance !!
😘
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou Nelly,
Cette fois, c’est moi qui ai du retard… l’état d’urgence prolongé, la France cet été devenu une douce illusion, le vent… J’ai toujours beaucoup de plaisir à te retrouver sur Kawaii et te lire à mon tour…
J’ai entendu des horaires incroyables chez les coiffeurs : dès 1 heure du matin le 11 pour l’un, pour l’autre une équipe le matin et une autre l’après-midi et des horaires de 8 h à 22 h pour satisfaire au plus vite les clients… J’imagine le soulagement !
Bonne continuation et à bientôt !
Bises
J’aimeJ’aime