De Nikkō, des temples (bouddhistes) et des sanctuaires (shintoïstes), nous prîmes des photos car il était permis de circuler dans les allées boisées de cèdres qui mènent aux entrées des différents édifices.
Nous ne verrions pas la magnificence du mausolée Tōshō-gū que j’avais érigé en clou de notre voyage avec ses trois petits singes de la sagesse dont à ce moment-là, je ne mesurais ni la valeur artistique ni la valeur spirituelle. Mizaru (« l’aveugle »), Kikazaru (« le sourd ») et Iwazaru (« le muet ») se cachent respectivement les yeux, les oreilles et la bouche. En cherchant quelques directions à cet article, ces trois singes à Tōshō-gū se révélèrent les plus anciens gravés dans le bois. Quant à leurs interprétations, elles m’emmenèrent jusqu’aux traces de Confucius en Chine, à une maxime bouddhiste, puis une devise de Gandhi. Je fis un détour par Socrate, quelques fantaisistes sur internet et je m’arrêtai-là. Selon les traductions, les siècles et les approximations, je me demandais s’il fallait les méditer comme un précepte positif, ne pas voir le Mal, ne pas l’entendre, ne pas le dire pour être heureux, ou à tout le moins faire le Bien, ou l’inverse, à ceux qui ne veulent ni le voir, ni l’entendre, ni le dire. Je commençais à souffrir aux cheveux entre Orient et Occident. Je n’avais ni le temps ni les moyens de retracer deux mille cinq cent ans d’histoire de la philosophie. A vue de nez, je n’étais plus tout à fait d’accord ni avec Confucius ni avec Socrate. J’avais des trucs à leur reprocher et je croyais friser l’arrogance.
Au fond, nous ne fûmes pas tellement déçus, quoi que j’en dis, quand la gardienne d’un des rares parkings ouverts sortit de sa cahute. Elle fit l’inventaire des monuments fermés sur les doigts. Je prononçai une phrase simple et stupide « All temples closed ? » et mis en croix les avant-bras (signe endémique de la négation) afin de confirmer l’information. La gardienne répondit par le même geste accompagné d’un hochement de tête et je pus enfin poser le pompon final à cette histoire (1).
Nous savourâmes notre chance de déambuler dans ce lieu spirituel habituellement envahi par les touristes dont la masse se mesure au nombre des parkings. Nous pourrions aussi réaliser nos photographies sans devoir composer avec les courtoisies de l’espèce humaine en visite : des édifices entiers et des places vides, le savant dosage du vert et du noir dans le temple rouge, la cabane philatélique de la poste et ses volets clos, la grosse fourmi arrivée trop vite sur le bord du caillou. Elle embrasse le cadre et je remarque une de ses pattes sur le vif.
Notre philosophie devint celle des japonais capables de « chiader », comme disait L., un jardin, un paysage, une construction, et laisser des morceaux aussi triviaux que des bassines bleues sur le vert dans lequel, j’en demeurai certaine, les pierres furent savamment agencées, un seau contre les murs d’une enceinte brisant la perspective que nous croyions originale, un conduit dans l’allée des lanternes, un bric-à-brac de huttes, quoi ? bâchées, adossées à la pagode aussi haute que la skytree en comptant l’altitude de son emplacement. A la villa impériale Tamozawa que nous visitâmes l’après-midi, un tel nombre de pancartes interdisant de fouler les pelouses, qu’il découragea le plus acharné des photographes : « Il n’y a rien à en faire, pas même un plan serré. »
Les poteaux électriques, eux, gardent mon empathie sur ce pays de roche vibrante. Cependant, je ne pus m’empêcher de pester un dimanche d’avril au parc Negishi à Yokohama (2) : un pylône dans la ligne du Mont Fuji, aperçu avec surprise après plusieurs jours de grands vents. « Tu savais que l’on pouvait voir le Fuji d’ici ? » L’encombrant pylône venait de confirmer quelque chose. Un mois plus tôt, au temple Kuonji près du Mont Minobu, dans les environs de Kawaguchiko, une pièce d’eau à poissons attira d’abord mon attention. Le plus joli point de vue avec les fleurs de cerisier se trouvait flanquer d’une boîte bleue 2CV dont je ne devinai pas l’usage. Plus loin, je remarquai une brouette rangée sous les fondations de ce qu’il me semblait l’un des plus anciens bâtiments du temple. Elle se montrait près de l’entrée, les quatre pieds en l’air.
Le Covid ajoute maintenant sa part : à Nikkō, il s’en trouvait toujours un parmi nous qui oubliait d’ôter son masque ou le portait sous le menton.
« Attendez ! Attendez ! Celle-ci n’est pas bonne. On recommence.
– Non maman. C’est terminé. On en a marre de tes photos. »
- Voir l’article « Je vais à Nikkō »
- Voir l’article Les ruines du Negishi park
Elles sont belles tes photos !!
Et puis ces petites imperfections (que seul ton oeil d’experte remarque) nous permettent de nous dire qu’il y a toujours de la vie dans ces différents endroits, que c’est « habité » !
Cette fourmi qui vient s’inviter…j’adore !!
Bises à tous et vive les photos !
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Merci pour tes mots sur Kawaii qui me font toujours TRÈS plaisir !!! Et tu as raison, ces temples ne sont pas des décors de carton pâte destinés à Kawaii 😉 Mais l’œil du photographe…
Bonne continuation à toi ! Et à très vite !
Grosses bises
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Que cela fait du bien ces belles photos et ce récit qui nous emporte bien loin !
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Coucou Stéphanie,
Merci merci merci… Bon week-end à toi ! Ici de la pluie, chaude, la saison a commencé 😉 Les filles sont en vacances depuis hier…
Grosses bises et toutes mes pensées 🙂
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Très belles photos, très belle balade !
Dommage que tout soit fermé ! J’aurai bien aimé voir les 3 petits singes de la sagesse 😕
Grosses bises 😘
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Coucou Nelly,
Oui, tout fermé à un jour près… Pas de chance… « Heureusement », ce n’est pas très loin et nous essaierons d’y retourner. Il paraît qu’avec les feuilles d’automne, la région est magnifique.
Grosses bises
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