Let’s twist again

Vraiment, si je voulais mener tranquillement le lecteur, je devrais finir mes histoires de train et raconter nos découvertes à Kyoto. Mais une balade me plut dimanche et je préfère profiter de sa fraîcheur.

Pendant que nous rentrions de Kyoto le dimanche précédent, la France s’apprêtait à atteindre les 50 000 nouveaux cas enregistrés en vingt-quatre heures. Deux jours avant, elle dépassait le seuil symbolique du million de contaminations. Le Japon quant à lui, franchissait la barre des 100 000 cas le lendemain de l’allocution à Macron (1). Autant en convenir dès à présent, ces chiffres paraissent à peine croyables vus par un Français. Il faudrait imaginer le double de la population française, entassé dans la seule région Occitanie, ne totalisant que 100 000 cas depuis le début de l’épidémie (2). Moi, entre courbettes, ménage, discipline, météo et faibles tests (3), je ne sais où se niche la vérité. Il paraît que les hôpitaux se tiennent tranquilles. Donc.

Ainsi, quand la France entamait son premier dimanche de confinement, le Japon profitait d’un temps clément et d’un week-end prolongé. Mardi 3 novembre s’avérait férié à l’occasion de la journée de la culture.
Nous n’avions pas vraiment de programme ce jour-là. Nous sortîmes par le Harbor view park, la passerelle, puis le Yamashita park, le long de la mer. Bof, cette promenade devenait un peu routinière depuis le confinement
« volontaire ». J’essayai de penser à quelques nouveautés autant pour les enfants que pour moi-même :
« Tenez les filles ! Saviez-vous qu’un robot géant est installé à deux pas de chez nous ? (4)
– Mais de quoi tu parles maman ?
– Regardez là-bas ! On voit sa tête. »
Notre aînée boycotterait eu égard à la planète. Goldorak et compagnie ne lui disaient rien.

« Vous préférez passer par le bord de mer ou les parterres de fleurs ? »
Au loin, un attroupement attira notre attention. Je me mis à courir dès que j’aperçus le rassemblement de petits chiens dont les têtes dépassaient parmi les roses. Ils portaient tous une écharpe écossaise rouge nouée autour du cou ainsi qu’une sorte de sweat à quatre pattes avec le motif d’un ourson sur le dos et posaient alignés sur un décors de Noël. L’un des maîtres disposait d’une machine à bulles afin d’attirer les regards des toutous dans la même direction, c’est à dire celle des photographes.
Après deux ans et de nombreuses bizarreries d’animaux, je croyais en avoir fini de ce côté-ci du Japon. Cette pépite à elle seule faisait ma balade. Clac, clac, les photos. La fin de la séance fut vite décrétée et chaque propriétaire récupéra ses mignons. Il n’y avait plus rien à voir, nous laissâmes la compagnie dernière nous.

Nous entendîmes les notes de Chubby Checker après quelques pas seulement :
« Come on everybody clap your hands
Now you’re looking good
I’m gonna sing my song and you won’t take long
We gotta do the twist and it goes like this
» (5)
Des jeunes femmes en habits d’époque chorégraphiaient devant la fontaine offerte par la ville de San Diego et les badauds qui s’arrêtaient (6). Je voulais réussir les photos des robes, clac, clac. Après une longue série, je m’assis sur la bordure d’un parterre pour profiter jusqu’à la fin de ce spectacle inédit. Nous applaudissions après chaque morceau, dont certains en japonais que je ne retrouve malheureusement pas, « twisto » quelque chose ne suffisant pas. Nous nous exclamions et caressions les chiens curieux qui venaient vers nous : « Salut toi ». Nous cherchions des repères : « C’était quelle décennie le twist ? Les années 50 ou 60 ? » J’appris la coupe banane des gars à ma cadette. J’aimais leurs paires de chaussettes rouges, les pompons aux chevilles des filles et la variété des blousons. « Yea, let’s twist again ». Les dames décidèrent de la pause, les danses des messieurs nous plurent moins.

Nous prîmes l’allée entre deux pelouses sur lesquelles des groupes variés s’étaient installés. « Mon Dieu, si la vie est si douce, faisons un détour par le terminal maritime ! (7) Nous n’y sommes jamais allés. » Grâce à l’avancée de la jetée dans la mer, je découvris les plus belles vues de Yokohama. Et clac clac les photos.
Clac aussi la petite fille au bonnet rouge pointu qui pose pour sa maman.
Le bateau de croisière Asuka II se tenait à quai. Casque à musique sur la tête, une jeune femme faisait son jogging sur le pont principal. A chaque nouveau tour, elle disparaissait, puis réapparaissait, enjambant le chantier de nettoyage des vitres et des peintures d’entretien en cours cet après-midi là. Le navire était long et immobile. La coureuse offrait aux promeneurs le spectacle d’un rongeur tournant sans fin dans sa roue. Les portes du navire grandes ouvertes, nous entendions la reine de la nuit pousser sa chansonnette la plus célèbre dans La flûte enchantée.
Clac le bus amphibie.
Clac les mariés blancs dans le fond de cale en bois. Clac les pauses romantiques des suivants. Un couple d’amoureux assis plus haut sur un banc semblait indifférent à tout ce tralala. Si je possédais de meilleurs objectifs, la photo se révélerait peut-être intéressante. Bref.
Clac, clac, les enfants sautant des plots.
A la sortie du terminal, j’exhortai L. et les filles, « Stop ! Stop ! », afin de prendre une dernière photo, peut-être le bateau à gauche, déjà préparé en vue des croisières d’amoureux à Noël (8). Le couple devant nous s’arrêta et se retourna. Je changeai d’avis, ce clac serait pour eux.
Je vois des photos, la pause de cette femme ayant installé son appareil sur la balustrade, elle veut immortaliser la vue des embarcations et des tours au loin. Je ne suis pas assez rapide, ni assez discrète, pas de clac. Tant pis.

Nous nous dirigeâmes ensuite vers les entrepôts en briques rouges (9). Sans manifestations depuis des mois, la vue demeurait dégagée. Les couleurs du soir se montraient chaudes, clac à défaut de la patinoire dont nous devrons nous passer cette année. 

Nous parvînmes au Hammerhead, une nouvelle galerie de magasins et de restaurants qui fêtait ses un an. Elle se révèle l’endroit à terrasses de Yokohama, il s’en trouve enfin un. Nous dégotâmes les chocolats chauds et nous installâmes face aux lumières de la ville, la grande roue et le défilé de ses couleurs, mes derniers clacs.
Les rythmes chaloupés des « Quizás, Quizás, Quizás » et des « Bésame mucho » nous engourdissaient de plénitude. Que nous nous sentions bien ! Nous mîmes de côté nos visions inquiétantes pour la France et pour l’Europe et savourâmes cet instant si proche de la perfection.

  1. Japan’s coronavirus cases top 100 000, The Japan Times, 29 octobre 2020
  2. Sur la base de chiffres arrondis, pour 2/3 de la superficie de la France, le Japon possède deux fois plus d’habitants. Si l’on ajoute que 80% de la superficie du Japon est constituée de zones montagneuses, la population se concentre sur les 20% restant.
    Japon : 126 millions d’habitants, 378 000 km2
    France métropolitaine : 65 millions d’habitants, 551 700 km2
  3. Voir les articles Japan’s coronavirus cases top 100 000, The Japan Times, 29 octobre 2020 et Tokyo reports 116 new coronavirus cases; Osaka has 123, Japan Today, 1 Novembre 2020
  4. Au Japon, les premiers pas du robot géant Gundam font sensation, Courrier international, 24 septembre 2020
  5. Chubby Checker & California Jubilee in “Let’s Twist Again”
  6. J’ai retrouvé la vidéo d’un même événement à Tokyo dans le quartier d’Harajuku : lien.
  7. Terminal maritime international de passagers de Yokohama, Wikipédia
  8. Noël au Japon, Kanpai !
  9. Entrepôts en briques rouges de Yokohama, Japan travel

6 commentaires sur “Let’s twist again

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  1. coucou! La promenade en bois le long des bateaux donne envie de flâner en trottinettes et vélos !
    Et j’ai eu l’impression de revoir Singapore-by-night sur tes photos de rooftop/building éclairés et sapin de Noel géant.
    Noel … à quoi cela va t’il ressembler cette année ??!

    Aimé par 1 personne

    1. Coucou !
      C’est ce que je me dis. Il doit y avoir une certaine ambiance des villes en Asie… Je ne suis jamais allée à Singapour, je te fais confiance 🙂 Yokohama, une Singapour un peu provinciale, j’aime bien l’idée.
      Il faut s’attendre à un Noël particulier, sans doute un peu triste… Je ne le souhaite pas bien sûr.
      Bon courage pour le boulot à la maison et les week-end enfermés.
      Bises

      J’aime

    1. Coucou,
      Oui, le bus amphibie ne me dit rien non plus… les bateaux tout court. Je souffre d’affreux maux de mer…
      Noël. Noël. Noël. Les sapins sont prêts le 1er novembre. L’année dernière, j’ai vu certains magasins tout remballer juste après la parade d’Halloween et préparer dans la foulée la déco. de Noël. Pas le temps de déprimer ici !!!
      Grosses bises et bon courage !

      Aimé par 1 personne

      1. Coucou Stéphanie,
        Oui, géniale cette photo !!! Assez incroyable. C’est vraiment un coin où il faut laisser trainer ses yeux et son appareil photo le dimanche après-midi… J’imagine que tu as reconnu quelques endroits 😉 Tu pourras dire à tu sais qui ( 🙂 )que cette année, nous ne pourrons pas profiter de la patinoire. Si elle avait encore des regrets.
        A très très bientôt ! Grosses bises.

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