On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (3)

Je n’ai pas terminé mon histoire au sujet du miracle de Kamaishi et je suis restée longtemps indécise. Passés les commémorations du 11 mars, nos vacances à Nagasaki, les fleurs de cerisier, mon voyage annulé à Hiroshima, les événements récents sur la bluff, le week-end de Pâques, je voyais bien que l’actualité de la vague avait fini par passer. Qu’elle pouvait ennuyer même. D’un autre côté, ce récit inconnu en France me laissait en suspens, comme si la vague s’était arrêtée à son faîte et ne bougeait plus, attendant quel sort je voudrais lui réserver. Privée de ces événements, il m’est apparu que la réalité resterait tronquée pour toujours. Nous conserverions d’elle une image, celle d’une tragédie, dépourvue des nuances de la vie.

Je crois qu’il est possible de dire, sans que cela paraisse exagéré, que Toshitaka Katada est devenu une sorte de héros dans son pays, humble et concentré comme nous les aimons, et que l’année 2004 constitue un tournant dans sa carrière. Professeur de génie civil à l’université de Gunma, alors spécialisé dans la prévention des inondations, il décide de se consacrer à la prévention des tsunamis après que la vague destructrice a tué plus de deux cent cinquante mille personnes dans l’océan Indien (1).
Katada peut dès lors mesurer le faible niveau d’alerte parmi la population vivant le long des côtes. Il se souvient en particuliers des enfants de la région de Sanriku, qui comprend notamment les préfectures d’Iwate et de Miyagi (2), et combien ceux-ci l’avaient choqué (3). La littérature ne s’étend malheureusement pas sur les circonstances de ces discussions. Mais elle témoigne de ce fait essentiel que les enfants, placés dans le contexte d’un séisme intense, avaient affirmé sans l’ombre d’une hésitation qu’ils n’évacueraient vers un terrain plus élevé. Ils savaient de toutes les façons que les adultes autour d’eux ne le feraient pas. 

Katada s’est senti une responsabilité envers tous ces enfants à qui il fallait apprendre à sauver leur vie. Son inquiétude et son enthousiasme ont ému les enseignants de la ville de Kamaishi et il a fini par les convaincre. Ainsi, dès 2005 (4), et malgré le brise-lames (5), ils ont élaboré un programme d’éducation à la prévention des catastrophes.
Privilégiant la simplicité, les adultes ont transmis trois principes d’évacuation. L’un d’eux, le dernier, s’il s’avérait crucial, n’en demeurait pas moins le plus difficile. Il exigeait des enfants de surmonter deux a priori : d’abord la pression du groupe, ensuite la tendance naturelle de penser que l’on va survivre, d’autant plus forte en l’absence de signes indiquant l’imminence de la catastrophe. Persuadé qu’il se révélerait vital que les enfants prennent l’initiative de l’évacuation, Katada leur parlait ainsi :
« En général, les gens n’évacuent pas même s’ils savent qu’ils devraient le faire. Il est naturel d’être réticent à s’échapper lorsque personne d’autre ne s’échappe. Vous devez être courageux et être les premiers à évacuer. Si vous le faites, d’autres vous suivront et vous pourrez aussi leur sauver la vie. » (3)
Et c’est exactement ainsi que les choses se sont déroulées le 11 mars, il y a dix ans. 

  1. Ce séisme du 26 décembre 2004 s’est produit dans l’océan Indien avec une magnitude de 9,1 à 9,3. Il engendra une vague dépassant 30 mètres de hauteur à certains endroits et fit au moins 250 000 victimes.
    C’est l’un des dix séismes les plus meurtriers et le plus grave tsunami de l’histoire. Sources : Séisme et tsunami de 2004 dans l’océan Indien, Wikipédia
  2. Les préfectures d’Iwate et de Miyagi furent tragiquement touchées par le tsunami de 2011 : voir l’article On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (1).
    La région du Sanriku avait déjà été touchée par deux tremblements de terre et tsunamis majeurs au cours du siècle dernier : voir l’article On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (2)
  3. The miracle of Kamaishi, Public Relations Office, Government of Japan
  4. Miracles of Kamaishi as a result of following ‘Three principles of evacuation’, Sankei Shimbun, 14 avril 2011
  5. Voir l’article On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (2)

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