On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (4)

Aussitôt après le tremblement de terre de magnitude 9 qui frappa la région cet après-midi-là, les collégiens et les professeurs de la Kamaishi East Junior High School se précipitèrent vers un terrain plus élevé. De leur côté, les enseignants de l’école primaire voisine Unosumai commencèrent à mettre les enfants à l’abri en montant au troisième étage de leur bâtiment, demeuré intact malgré l’intensité des secousses (1). Bien qu’à un kilomètre de la côte seulement, l’école se situait en dehors des zones à risques car elle n’avait pas été touchée par les tsunamis répétés de 1896 et 1933 (2), (3).
Dans leur ascension, les primaires observèrent l’échappée des collégiens qui passait dans la rue et reconnurent leurs exercices communs d’évacuation, réalisés au cours des années précédentes. Ils se rappelèrent aussi le tout premier principe qui leur avait été enseigné, à savoir de ne pas faire confiance à la carte des risques (4). Malgré la sophistication des systèmes de mesures et le record du brise-lames (5), nous pouvons aisément imaginer Katada poser cette réflexion : « Qui parmi nous peut prédire la force de la nature ? » Les jeunes élèves partirent donc courir avec leurs aînés et de nombreux résidents du quartier, attirés par la fuite de tous ces enfants, leur emboîtèrent le pas.

Selon les sources, il ne s’avère pas certain que les temps, les lieux, ainsi que les distances qui sont décrites ici, soient tout à fait exacts, mais les étapes successives de l’évacuation de ces jeunes semblent toutes se recouper.
Environ six cent  élèves du primaire et du collège, professeurs, personnel administratif et autres résidents, se réfugièrent vers un abris officiel, situé en hauteur à environ cinq cent mètres des écoles.
À leur arrivée vers 15 heures 05, soit environ quinze minutes après le tremblement de terre, les premières fortes répliques survinrent (6). Constatant que la falaise sur laquelle était accoté l’abris risquait de s’effondrer, les collégiens attrapèrent la main des plus jeunes, et avec les enseignants, coururent se réfugier vers une maison de retraite située à cinq cent mètres plus haut.
Cinq minutes plus tard, le fracas du tsunami s’abattit et engloutit l’abris officiel où s’était réfugié le groupe initialement. Entourés de visions apocalyptiques, craignant que les montagnes ne s’écroulent à leur tour, les enseignants décidèrent de conduire les élèves vers une autoroute et entamèrent une longue marche à l’intérieur des terres. Le principe numéro deux de Katada enjoignait d’engager tous les efforts possibles pour fuir et de ne jamais s’arrêter.

Le tsunami a tué plus d’un millier de personnes à Kamaishi, une ville de trente cinq mille habitants. Plus de cent soixante personnes ont été emportées au centre de contrôle des catastrophes du district d’Unosumai où se trouvait l’école primaire. Beaucoup parmi elles avaient pris part à un exercice d’évacuation la semaine précédente, mais il faisait si froid ce jour-là (7) qu’au lieu de remonter la montagne où elles étaient censées se réfugier, ces personnes étaient restées à l’intérieur du centre.
Le tsunami s’est arrêté à environ cent mètres de la maison de retraite. Il a englouti à la fois l’école et le collège. Une voiture balayée par la vague s’est vue coincée au troisième étage de l’école élémentaire d’Unosumai.
Les trois mille élèves du primaire et du collège de Kamaishi ont miraculeusement survécu. Seuls cinq d’entre eux ont péri mais la presse rapporte qu’ils ne se trouvaient pas à l’école lorsque le séisme a frappé.

L’histoire de cette évacuation réussie est connue partout dans le Japon. Elle est désormais appelée « le miracle de Kamaishi ». Elle se montre notamment l’objet d’un film éducatif plusieurs fois primé au Japon et dans le monde (8).
S’agissant des élèves, il n’est pas certain qu’ils se considèrent comme des miraculés (9). Ils le disent eux-même, nulle main de Dieu ce jour-là.
Je ne sais pas si Katada continue de voyager afin de partager les leçons apprises à Kamaishi. Il a répété souvent combien la volonté proactive des enfants et des enseignants d’évacuer et de survivre leur a permis de faire les bons choix.
Quant à moi, grâce à cette histoire, j’ai pu faire peu à peu retomber la vague et rejoindre une réalité où il est possible d’agir. Je ne parviens pas à compter sur la baie pour contenir la puissance de ces phénomènes naturels mais je dors sur la falaise à plus de trente mètres au-dessus de la mer et ici au Japon, j’en mesure le privilège.

  1. Deuxième étage en réalité, le rez-de-chaussée compte pour un au Japon.
  2. Miracles of Kamaishi as a result of following ‘Three principles of evacuation’, Sankei Shimbun, 14 avril 2011
  3. La région du Sanriku avait déjà été touchée par deux tremblements de terre et tsunamis majeurs au cours du siècle dernier : voir l’article On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (2)
  4. The miracle of Kamaishi, Public Relations Office, Government of Japan
  5. Voir l’article On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (2)
  6. Ce seul jour de 2011, 221 répliques d’une magnitude supérieure à 5 furent enregistrées. 3/11 – The Tsunami: The First 3 Days, NHK, 9 janvier 2021 (25 min. 46).
  7. Les prévisions météorologiques annonçaient des températures au-dessous de 0°C la nuit du 11 au 12. 3/11 – The Tsunami: The First 3 Days, NHK, 9 janvier 2021 (28 min. 16).
  8. The Kamaishi miracle, NHK Enterprises, 2012
  9. ‘Someone shouted tsunami’: Kamaishi set to play emotional role in World Cup story, The Guardian, 23 septembre 2019

*Photo source : Kamaishi city Unosumai district – Children who practiced tsunami disaster prevention education

2 commentaires sur “On l’appelle « le miracle de Kamaishi » (4)

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  1. Nous avons vraiment du mal à imaginer ces tremblements de terre ou tsunamis. Nous en sommes bien loin. Comment réagir face à de telles catastrophes naturelles !
    Merci pour ce partage !

    Aimé par 1 personne

    1. Merci Stéphanie pour ton mot.
      C’est exactement cela, c’est très difficile. Et nous mettons du temps, je le crois, à l’intégrer. Malheureusement, parfois, quand la nature se rappelle à nous.
      Belle continuation à toi !

      J’aime

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