Ça y est. Le Japon est entré dans sa « semaine en or ». « Golden week » comme les Japonais l’appellent. Afin d’avoir une chance de se faire comprendre, il faut prononcer l’anglais à leur manière et dire « gōruden wīku » en prolongeant le « o » et le « i » et en remplaçant le « r » par un « l ». Je le précise car j’ai vécu l’expérience chez ma marchande de légumes qui m’a regardée avec des yeux ronds la première fois que je la lui ai souhaitée bonne.
Il s’agit d’une sorte de semaine de vacances à l’échelle nationale grâce à une succession de jours fériés idéalement placés dans le calendrier. Jeudi 29 avril, nous célébrions l’anniversaire de l’empereur Showa (Hirohito). Puis viendront le jour de la constitution lundi 3 mai, le jour de la nature le 4, et celui des enfants le 5. Une seule journée de congé le 30 s’avère nécessaire aux personnes qui ne travaillent pas le week-end.
Un Français habitué aux ponts du mois de mai (qu’il tente d’arranger au mieux dès son retour au bureau passées les fêtes de la nouvelle année) ne remarque là rien d’exceptionnel, si ce n’est le caractère presque similaire des calendriers entre l’hexagone et le pays du soleil levant. Mais les employés japonais vivent ce bémol de ne disposer que de dix-huit jours et demi de congés en moyenne et de n’en utiliser que la moitié chaque année.
Un mois après les sakura, le Japon traverse, il ne se trouve rien d’étonnant, une quatrième vague dont je ne saurais prédire si elle a atteint son maximum (1). Dans le but de contenir les déplacements à cette période phare de l’année, les préfectures de Tokyo, Kyoto, Hyogo et Osaka ont instauré un nouvel état d’urgence du 25 avril au 11 mai.
« État d’urgence ». Avec une telle formulation, il serait logique de se représenter un confinement ou un couvre-feu strict à l’exemple de certains pays. La constitution que nous fêtions hier n’autorisant pas cette privation de liberté, les gouverneurs de ces préfectures appellent les habitants à s’abstenir de sortir quand cela n’est ni essentiel, ni urgent, en particulier après vingt heures. Il va sans dire que circuler d’une préfecture à une autre se voit fortement déconseillé.
Fait nouveau, les musées, les théâtres, les parcs à thème, les galeries commerciales et les établissements qui servent de l’alcool ferment, les autres le doivent à vingt heures au plus tard. Dans les entreprises, le télétravail s’organise de manière à atteindre soixante-dix pour cent des salariés (2). Nous pouvons encore vérifier la discipline d’une grande majorité de Japonais. Toutefois, je lis que eux aussi deviennent las (3).
Notre préfecture de Kanagawa vit un cran sous ce statut avec des mesures dites « prioritaires » sans que j’ai pu établir les différences. Nous avons reçu la mauvaise nouvelle d’Info Locales qu’elle avait fermé ses plages. Celle de Chiba de l’autre côté de la baie aurait pris la même décision. D’après les expatriés qui tentent des conjectures, celles-ci voudraient dissuader les habitants de Tokyo de profiter d’une journée à la mer.
Bien que je me sente privée moi aussi, je ne peux m’empêcher de compatir. Au mois d’août, de nombreux Tokyoïtes ont passé leur semaine de vacances d’Obon chez eux (4), souvent dans de petits logements et sous un climat suffocant. Certains ne sont pas retournés voir leurs parents en province, malgré la levée des deux précédents états d’urgence.
L. reste à la maison. Il profite de son temps et nous nous partageons davantage les tâches quotidiennes. Quand la météo le permet, il fait du vélo le long de la côte et je lui demande la situation des plages. Nos filles ne suivent pas le calendrier scolaire japonais et vont à l’école. Moi j’écris quelques nouvelles de l’archipel.
Il pleuvait jeudi de toutes les façons. Le vent de la mer soufflait en rafales. Il faisait gris. Samedi soir nous avons essuyé une tempête avec des orages. Le vent s’invite quotidiennement, le jour ou la nuit, même avec le soleil. Le début du mois de mai se définit ainsi semble-t-il. Les azalées ont fané dans beaucoup d’endroits, sauf à une centaine de mètres de la maison. Dans le parc Motomachi, une enfilade de magnifiques arbustes mauves a fleuri voici quelques jours.
En raison de l’école, nous avons appris à vivre la golden week en marge. Au demeurant, il s’est révélé assez facile de nous raisonner parce que le pays devenait saturé de touristes et les prix s’envolaient.
De la sorte je travaille et je demeure un peu en retrait. Je m’étonne des visiteurs dans notre quartier. Ils se promènent aussi nombreux que les dimanches de beau temps. J’observe combien je peine à ressentir les charmes de cette courte saison et je doute fort de me révéler une observatrice avertie de cette semaine si particulière au Japon.



- 5897 nouveaux cas officiels recensés le 2 mai, 5218 sur sept jours. Lien.
- Etat d’urgence 25 avril – 11 mai, Info Locales au Japon, 24 avril 2021
- What does Japan’s virus state of emergency mean this time? Japan Today, 24 avril 2021
- Obon : La fête des âmes, du 13 au 15 août. Voir Vivre le Japon.
- Travel during the Bon holiday? Japan can’t get a straight answer, The Japan Times, 7 août 2020
Gōruden wīku quand même 😊
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Ouiiiii. Même en anglais… Pas toujours facile de se comprendre… A très vite 🙂
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