Les oiseaux

Mardi matin, comme tous les mardis matin, j’ai sorti les poubelles. Je dépose le sac blanc transparent dans notre petit conteneur gris et rond. Je ferme le couvercle à l’aide de deux poignées qu’il faut rabattre. Cela fait
« clac » d’un côté, et « clac » de l’autre. Je crois que je n’ai jamais réussi à fixer les deux en même temps. Ensuite je sors le conteneur à l’endroit du rassemblement, c’est-à-dire au coin de notre jardinet. 

Ce mardi matin-là, comme tous les mardis matin, après avoir marché trente mètres et contourné la maison, j’ai déposé notre conteneur avec ceux de nos voisins et je suis rentrée. J’ai rangé un peu et j’ai fini par constituer un reliquat de déchets bons pour le mardi.
Je n’attends pas le deuxième ramassage de la semaine s’agissant du
« burnable », ainsi qu’on l’appelle. Une liste d’ordures ménagères qui seront brûlées. Je m’en débarrasse dès que je le peux, même s’il est constitué de presque rien. Une habitude que j’ai prise à cause de la chaleur insoutenable, l’été. A cause d’un tremblement de terre aussi, qui empêcherait les petits camions de passer. Ici, il vous arrive des idées comme ça, justifiées ou non. Elles viennent avec le temps, avec les secousses.

Le ramassage n’étant pas encore passé, je suis ressortie afin de compléter notre conteneur. Je portais devant moi le tout petit sac plastique noué deux fois aux anses. On aurait dit l’emballage élégant d’un gâteau dont on voudrait qu’aucun fruit délicat ne tombe ni ne bouge. Il ne faisait pas encore trop froid et le soleil brillait déjà, je devais savourer cette belle journée qui s’annonçait et la sensation agréable d’une maison qu’on vide et qu’on nettoie.

C’est alors que j’ai reçu un coup derrière la tête, comme si quelqu’un de malintentionné me surveillait, avait surgi de sa cachette et avait voulu m’assommer. Puis avec une sorte de râteau, il a raclé le haut de mon crâne. Avec un seul mouvement de l’arrière vers l’avant, il a enfoncé les dents de son outil le plus loin dans ma chair.
Un cri m’a échappé, c’est bien normal. Au même instant, un corbeau se relevait de son rase-motte en battant des ailes et en poussant des croassements rauques et menaçants à vous casser pour de bon les oreilles.

Mardi dernier, j’ai été attaquée par un corbeau. Le maudit animal a sans doute cherché à me faire lâcher mon maigre paquet pour le récupérer et bouffer ce qu’il y avait à bouffer.

J’ai raconté mon histoire.

A notre voisine, mais elle ne l’a pas comprise.

A mon mari :
« Ils n’ont pas peur », a-t-il dit.

A ma fille :
« Ma copine s’est déjà fait attaquer car elle avait essayé de fixer un corbeau dans les yeux. » 

A mon amie :
« Tu vas voir quand ils vont manger les oranges du parc Motomachi cet hiver. Avec les vitamines, ils vont être encore plus excités. »

Maudits corbeaux japonais !

Un jour peut-être, je raconterai l’histoire de ces rapaces au bord de la mer. Des pancartes alertent les visiteurs mais il suffit d’un moment d’inattention. Avec leurs serres, ils vous arrachent des mains votre cornet de glace pomme camembert ou à votre enfant, une pâtisserie toute ronde aux myrtilles, achetée une ou deux fois l’année.
Terminé. Il ne reste plus rien. Que des larmes de dépit.

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